Article publié à l'origine sur le site du journal "Le Monde" ici

À l’ère de la miniaturisation électronique, les supercalculateurs font leur retour, portés par l’essor de l’intelligence artificielle. Une bataille stratégique se déroule entre les grandes puissances.

Alors qu’on les croyait obsolètes, les superordinateurs reprennent du service. Aujourd’hui, elles bénéficient d’un marché mondial florissant, grâce à l’exploitation de l’or noir du XXIe siècle : les données pour l’intelligence artificielle (IA). Elles sont même devenues une question de souveraineté, à tel point que les États-Unis, dans leur guerre commerciale avec la Chine, vont jusqu’à refuser à leur rival asiatique les microprocesseurs destinés à ces machines. En Europe, les survivants émergent, à commencer par l’Etat français qui suit de près les négociations autour du démantèlement du groupe Atos. Dans sa filiale Eviden, il y a en effet un joyau à chérir, parmi les rares qui subsistent en Europe : les supercalculateurs issus de l’acquisition de Bull en 2013. Une nouvelle usine devrait même être construite à Angers d’ici 2027.

Ces mastodontes sont appelés à développer plus rapidement des médicaments et des vaccins, notamment contre le Covid-19, à affiner les prévisions météorologiques face au changement climatique, à améliorer l’aérodynamisme des avions et autres véhicules pour consommer moins d’énergie, à lutter contre des cyberattaques de plus en plus redoutables, ou encore à simuler une explosion nucléaire au nom de la dissuasion. L’apprentissage automatique et l’informatique quantique (calculs massifs et simultanés à l’échelle atomique) en ont besoin.

Longtemps cantonnée à la recherche académique ou à la simulation industrielle et nucléaire (défense), la lignée des supercalculateurs se renforce avec l’intelligence artificielle. « Les modèles d’IA à grande échelle se développent très rapidement et les nouveaux acheteurs commencent à utiliser des machines de grande capacité, avec des prix de vente allant de dizaines de millions à des centaines de millions de dollars chacune. La lutte contre les cyberattaques nécessitera également une puissance de calcul importante », prédit Earl Joseph, PDG d’Hyperion Research, une société de recherche américaine spécialisée dans le marché mondial du HPC (High Performance Computing). Car plus les ordinateurs sont puissants, plus ils sont chers.